Premier Livre des Martyrs d'Israël
01 Ptolémée, le roi d’Égypte, rassembla une armée aussi nombreuse que le sable au bord de la mer, ainsi qu’une grande flotte, car il désirait se rendre maître, par la ruse, du royaume d’Alexandre et l’annexer à son propre royaume.
02 Il se rendit donc en Syrie avec des paroles de paix. Les habitants des villes lui ouvraient leurs portes et sortaient au-devant de lui, car le roi Alexandre avait donné l’ordre de l’accueillir, lui qui était son beau-père.
03 Mais, dans chacune des villes où il pénétrait, Ptolémée laissait des troupes en garnison.
04 Comme il s’approchait d’Azôt, on lui montra le temple de Dagone incendié, Azôt et ses environs détruits, les cadavres dispersés çà et là et les restes calcinés de ceux qui avaient été brûlés dans le combat. On les avait entassés sur le parcours du roi.
05 On rapporta au roi les actions de Jonathan, pour susciter sa réprobation, mais il garda le silence.
06 Quant à Jonathan, il se rendit, en grand apparat, au-devant du roi à Joppé. Ils se saluèrent mutuellement et passèrent la nuit en ce lieu.
07 Ensuite, Jonathan accompagna le roi jusqu’au fleuve nommé Éleuthère. Puis, il retourna à Jérusalem.
08 Le roi Ptolémée se rendit maître des villes du littoral jusqu’à Séleucie-sur-Mer. Il nourrissait de mauvaises intentions à l’égard d’Alexandre.
09 Il envoya des messagers au roi Démétrios, pour lui dire : « Viens, faisons alliance l’un avec l’autre. Je te donnerai ma fille, celle qui est la femme d’Alexandre, et tu régneras sur le royaume de ton père.
10 Je regrette, en effet, d’avoir donné ma fille à Alexandre, car il a cherché à me tuer. »
11 Or, s’il lui reprochait cela, c’est parce qu’il convoitait son royaume.
12 Il lui reprit donc sa fille et la donna à Démétrios. Il changea d’attitude envers Alexandre, et leur hostilité devint manifeste.
13 Alors, Ptolémée fit son entrée à Antioche et ceignit le diadème de l’Asie, de sorte qu’il portait sur son front deux diadèmes : celui de l’Égypte et celui de l’Asie.
14 À cette époque, le roi Alexandre se trouvait en Cilicie, parce que les habitants de cette région s’étaient révoltés.
15 Lorsqu’il apprit les manœuvres de Ptolémée, il marcha contre lui pour le combattre. Mais Ptolémée sortit à sa rencontre avec une forte troupe et le mit en déroute.
16 Alexandre s’enfuit en Arabie pour s’y mettre à l’abri, et le roi Ptolémée triompha.
17 Zabdiel l’Arabe trancha la tête d’Alexandre et l’envoya à Ptolémée.
18 Mais le roi Ptolémée lui-même mourut le surlendemain, et les garnisons qu’il avait laissées dans les villes fortifiées furent massacrées par les habitants.
19 Démétrios devint roi en l’an 167 de l’empire grec.
20 En ces jours-là, Jonathan rassembla les habitants de la Judée pour attaquer la citadelle de Jérusalem. Il dressa contre elle un grand nombre de machines de guerre.
21 Or, quelques hommes infidèles à la Loi, des gens qui haïssaient leur propre nation, se rendirent chez le roi Démétrios pour lui annoncer que Jonathan assiégeait la citadelle.
22 Apprenant cela, Démétrios fut très irrité. Dès qu’il l’apprit, il donna aussitôt le signal du départ pour se rendre à Ptolémaïs. Il écrivit à Jonathan de lever le siège et de venir au plus vite s’entretenir avec lui à Ptolémaïs.
23 Quand Jonathan l’apprit, il ordonna de continuer le siège. Puis, il choisit pour l’accompagner quelques-uns des anciens d’Israël et quelques prêtres, et il affronta lui-même le danger.
24 Chargé d’argent, d’or, de vêtements précieux et d’autres présents en quantité, il se rendit à Ptolémaïs chez le roi et trouva grâce à ses yeux.
25 Quelques hommes de sa nation, infidèles à la Loi, essayèrent bien de l’accuser devant le roi,
26 mais celui-ci agit à son égard de la même manière que ses prédécesseurs et l’éleva en présence de tous ses amis.
27 Il le confirma dans sa charge de grand prêtre et dans toutes les autres fonctions honorifiques qu’il avait auparavant. Il le fit compter au nombre de ses premiers amis.
28 Jonathan demanda alors au roi d’exempter d’impôts la Judée et les trois districts de la Samarie, en lui promettant une somme de trois cents talents.
29 Le roi accepta. Au sujet de toutes ces choses, il écrivit à Jonathan une lettre ainsi tournée :
30 « Le roi Démétrios à Jonathan, son frère, et à la nation des Juifs, salut !
31 Voici la copie de la lettre que nous avons écrite à votre sujet à notre parent Lasthénès. Nous vous l’adressons aussi, pour que vous en preniez connaissance.
32 “Le roi Démétrios à son père Lasthénès, salut !
33 À la nation des Juifs, qui sont nos amis et se conduisent envers nous avec droiture, nous sommes décidé à faire du bien en raison de leurs bons sentiments à notre égard.
34 Nous leur confirmons la possession du territoire de la Judée et celle des trois districts d’Aphéréma, de Lydda et de Ramathaïm, qui ont été détachés de la Samarie et annexés à la Judée, avec tous les lieux qui en dépendent. Leurs revenus appartiennent à tous ceux qui offrent des sacrifices à Jérusalem, en échange des redevances royales qu’auparavant le roi prélevait chaque année sur les produits de leur terre et de leurs arbres.
35 Quant aux autres droits que nous avons sur les dîmes et les impôts qui nous reviennent, sur les marais salants et les couronnes qui nous sont dues, nous leur en faisons remise totale à dater de ce jour.
36 Pas une seule de ces dispositions ne sera abrogée, à dater de ce jour et pour la suite des temps.
37 Prenez donc soin, maintenant, d’en faire une copie. Qu’on la remette à Jonathan et qu’elle soit placée bien en vue sur la montagne sainte.” »
38 Le roi Démétrios vit qu’en sa présence le pays connaissait la tranquillité et que rien ne lui résistait. Il démobilisa toute son armée et renvoya chacun dans sa propre région, à l’exception des troupes étrangères qu’il avait recrutées dans les îles des nations. Pour cette raison, il s’attira l’hostilité de toutes les troupes qu’il tenait de ses pères.
39 Or, Tryphon, un ancien partisan d’Alexandre, constata que toutes les troupes murmuraient contre Démétrios. Il se rendit alors chez Imalkoué l’Arabe, qui élevait Antiocos, le jeune fils d’Alexandre.
40 Il lui demandait avec insistance de lui remettre l’enfant, pour qu’il règne à la place de son père. Il l’informa de toutes les dispositions prises par Démétrios et de l’hostilité que lui vouaient ses armées. Il demeura là pendant de nombreux jours.
41 Jonathan, de son côté, fit demander au roi Démétrios de retirer ses garnisons de la citadelle de Jérusalem ainsi que des autres forteresses de Judée, car elles étaient toujours en état de guerre avec Israël.
42 Démétrios fit porter cette réponse à Jonathan : « Non seulement je ferai cela pour toi et pour ta nation, mais je te couvrirai d’honneurs, toi et ta nation, si l’occasion se présente.
43 Mais maintenant, tu ferais bien d’envoyer des hommes pour combattre à mes côtés, car toutes mes troupes ont fait défection. »
44 Jonathan lui envoya donc à Antioche trois mille hommes, de vaillants guerriers, dont l’arrivée réjouit le roi.
45 Les gens se rassemblèrent au milieu de la ville, au nombre d’environ cent vingt mille, dans l’intention de faire périr le roi.
46 Celui-ci se réfugia dans son palais, tandis que les gens de la ville envahissaient les rues et commençaient le combat.
47 Le roi appela les Juifs à son secours. Ceux-ci, tous ensemble, se groupèrent autour de lui, puis se dispersèrent dans la ville, où ils tuèrent, ce jour-là, environ cent mille personnes.
48 Ils incendièrent la ville, ramassèrent une grande quantité de butin ce jour-là et ils sauvèrent le roi.
49 Voyant que les Juifs s’étaient rendus maîtres de la ville comme ils le voulaient, les habitants perdirent courage et se mirent à crier vers le roi, en le suppliant ainsi :
50 « Tends-nous la main droite, et que les Juifs cessent de nous combattre, nous et notre ville ! »
51 Ils jetèrent leurs armes et firent la paix. Les Juifs furent couverts de gloire en présence du roi et aux yeux de tout son royaume. Leur renom s’étendit dans le royaume, et ils regagnèrent Jérusalem chargés d’un riche butin.
52 Alors, le roi Démétrios s’assit sur le trône royal et, en sa présence, le pays connut la tranquillité.
53 Mais il renia toutes ses promesses et traita Jonathan comme un étranger. Il l’opprima durement, sans plus reconnaître les services rendus.
54 Après ces événements, Tryphon revint, accompagné d’Antiocos. Cet enfant, tout jeune encore, devint roi et porta le diadème.
55 Autour de lui se rassemblèrent toutes les troupes dont Démétrios s’était débarrassé. Elles combattirent Démétrios, qui prit la fuite et fut mis en déroute.
56 Tryphon s’empara des éléphants et se rendit maître de la ville d’Antioche.
57 Le jeune Antiocos écrivit à Jonathan en ces termes : « Je te confirme dans la charge de grand prêtre. Je t’établis à la tête des quatre districts et je te compte parmi les amis du roi. »
58 Il lui envoya en même temps des objets d’or et un service de table, avec l’autorisation de boire dans des coupes d’or, de porter un vêtement de pourpre et une agrafe d’or.
59 Quant à Simon, le frère de Jonathan, Antiocos le nomma gouverneur militaire de la région qui s’étend de l’Échelle de Tyr, débarcadère de cette ville, jusqu’aux frontières de l’Égypte.
60 Alors, Jonathan partit et se mit à parcourir la Transeuphratène et ses villes. Toutes les troupes de Syrie se rangèrent à ses côtés pour combattre avec lui. Il se rendit à Ascalon dont les habitants l’accueillirent avec beaucoup d’honneurs.
61 De là, il vint à Gaza, mais les gens de cette ville lui fermèrent les portes. Il en fit le siège et livra ses faubourgs au feu et au pillage.
62 Alors, les habitants de Gaza supplièrent Jonathan. Il leur tendit la main droite en signe de paix. Cependant il prit en otages les fils de leurs chefs et les envoya à Jérusalem. Puis, il parcourut le pays jusqu’à Damas.
63 Jonathan apprit que les généraux de Démétrios se trouvaient près de Kédès de Galilée avec une armée nombreuse et qu’ils voulaient l’écarter de sa charge.
64 Il se porta à leur rencontre, mais laissa son frère Simon dans le pays.
65 Simon prit position devant Bethsour et l’attaqua pendant de nombreux jours en bloquant ses issues.
66 Les habitants lui demandèrent la paix, ce qu’il leur accorda. Cependant, il les expulsa, prit la ville et y installa une garnison.
67 De leur côté, Jonathan et son armée, qui campaient près du lac de Gennésar, arrivèrent de grand matin dans la plaine d’Assor.
68 L’armée des étrangers s’avançait à sa rencontre dans la plaine, tandis qu’un détachement se trouvait embusqué derrière lui, dans les montagnes. Les étrangers avancèrent à sa rencontre,
69 et les hommes de l’embuscade, surgissant de leur position, engagèrent le combat.
70 Tous les hommes de Jonathan prirent la fuite. Personne ne resta, à l’exception de deux chefs de ses troupes : Mattathias, fils d’Absalom, et Judas, fils de Kalphi.
71 Jonathan déchira ses vêtements, répandit de la poussière sur sa tête et pria.
72 Puis, il retourna au combat et provoqua la déroute de ses ennemis, qui s’enfuirent.
73 À cette vue, ceux des siens qui avaient fui revinrent auprès de lui. Ensemble, ils poursuivirent les ennemis jusqu’à leur camp, qui se trouvait à Kédès. Eux-mêmes campèrent en ce lieu.
74 En ce jour-là, parmi les étrangers, trois mille hommes environ tombèrent. Ensuite, Jonathan retourna à Jérusalem.