Deuxième Livre des Martyrs d'Israël
01 À cette époque, Antiocos était piteusement revenu des régions de Perse.
02 Il s’était en effet rendu dans la ville de Persépolis ; il y avait entrepris de piller le temple et d’opprimer la ville. Mais la foule s’était soulevée, en ayant recours aux armes, si bien qu’Antiocos fut mis en déroute par les habitants du pays, et contraint d’opérer une retraite honteuse.
03 Comme il se trouvait près d’Ecbatane, il apprit ce qui était arrivé à Nicanor et aux gens de Timothée.
04 Transporté de fureur, il résolut de faire payer aux Juifs l’injure infligée par ceux qui avaient causé sa fuite. Pour ce motif, il ordonna au conducteur de lancer le char en avant, et de continuer sans répit jusqu’à la fin du voyage. En réalité, la sentence du Ciel était déjà sur lui. Il avait dit, en effet, dans son arrogance : « Arrivé à Jérusalem, je ferai de cette ville la fosse commune des Juifs. »
05 Mais le Seigneur qui voit tout, le Dieu d’Israël, le frappa d’un mal incurable et mystérieux. À peine avait-il prononcé ces mots qu’il fut saisi d’une implacable douleur aux entrailles et de terribles souffrances internes.
06 Ce n’était que justice pour cet homme qui avait lui-même torturé les entrailles d’autres hommes par des supplices nombreux et inouïs.
07 Pourtant, il ne se départit nullement de son attitude provocante. Toujours rempli d’arrogance, il exhalait contre les Juifs le feu de sa colère et commandait d’accélérer la marche. C’est alors que, soudain, il tomba du char qui roulait avec fracas : tous les membres de son corps, entraînés dans une chute malheureuse, furent désarticulés.
08 Cet homme qui, l’instant d’avant, dans sa prétention surhumaine, croyait pouvoir donner des ordres aux flots de la mer, lui qui s’imaginait pouvoir peser dans une balance les hauteurs des montagnes, gisait à terre. Il fut transporté sur une civière, manifestant à tous la puissance de Dieu.
09 C’était au point que des vers sortaient en grouillant des yeux de l’impie et qu’au milieu d’atroces douleurs, sa chair se décomposait, alors qu’il vivait encore. La puanteur de cette pourriture accablait toute l’armée.
10 Celui qui peu auparavant croyait toucher aux astres du ciel, personne maintenant ne pouvait l’escorter à cause de son intolérable puanteur !
11 C’est alors que, broyé, il commença à se départir de cet excès d’arrogance ; sous le fléau divin, tiraillé à chaque instant par de vives douleurs, il prit conscience de sa situation.
12 Ne pouvant supporter sa propre puanteur, il déclara : « Il est juste de se soumettre à Dieu et, quand on est mortel, de ne pas se croire l’égal de la divinité. »
13 Mais les prières de cet homme infâme allaient vers un maître qui ne devait plus avoir pitié de lui.
14 La Ville sainte, vers laquelle il s’était hâté pour la réduire au ras du sol et la transformer en fosse commune, il promettait maintenant de la rendre libre.
15 Les Juifs, auxquels il avait résolu de ne pas même accorder une sépulture, et qu’il avait décidé de jeter avec leurs petits enfants aux bêtes sauvages et en pâture aux oiseaux de proie, il disait maintenant vouloir les rendre tous égaux aux Athéniens.
16 Le Temple saint, qu’autrefois il avait pillé, il l’ornerait des présents les plus beaux ; il lui restituerait en bien plus grand nombre tous les objets sacrés et pourvoirait de ses propres revenus à toutes les dépenses nécessaires aux sacrifices.
17 En plus de tout cela, il promettait de devenir lui-même juif et de parcourir tout lieu habité en proclamant la souveraineté de Dieu.
18 Mais ses souffrances ne s’atténuaient en rien, car le juste jugement de Dieu était sur lui. Alors, désespérant de son état, il écrivit aux Juifs la lettre ci-dessous, véritable supplique, qui disait :
19 « Aux excellents Juifs, ses concitoyens, salut, santé et bonheur parfaits de la part d’Antiocos, roi et général en chef.
20 Si vous vous portez bien, ainsi que vos enfants, et si vos affaires marchent à souhait, nous en rendons vivement grâce à Dieu, car nous plaçons notre espérance dans le Ciel.
21 Quant à moi, je suis alité, sans force, mais je garde un affectueux souvenir de votre respect et de votre bienveillance. À mon retour des régions de Perse, je suis tombé gravement malade, et j’ai donc estimé nécessaire de veiller à la sécurité de tous.
22 Je n’ai pas d’illusion sur mon état, et cependant j’ai le ferme espoir d’échapper à cette maladie.
23 Mais j’observe que mon père aussi, à l’époque où il fit campagne dans le Haut Pays, désigna son successeur,
24 afin que les habitants du pays sachent à qui les affaires avaient été confiées, et ne soient donc pas troublés en cas d’événement inattendu ou de mauvaise nouvelle.
25 Par ailleurs, je me rends compte que les souverains proches de nous et les voisins du royaume épient les occasions et guettent la suite des événements. C’est pourquoi j’ai désigné comme roi mon fils Antiocos, que j’avais souvent confié et recommandé à la plupart d’entre vous, lorsque je me hâtais vers les provinces du Haut Pays. Je lui ai d’ailleurs écrit la lettre transcrite ci-dessous.
26 Je vous prie donc et vous conjure, en souvenir des bienfaits que je vous ai accordés en général et en particulier, de conserver chacun la bienveillance que vous avez pour moi et pour mon fils.
27 En effet, j’en ai la conviction, il poursuivra ma politique, et se conduira envers vous avec modération et humanité ».
28 Ainsi, ce meurtrier, ce blasphémateur connut le sort lamentable de terminer sa vie en terre étrangère, dans les montagnes, en proie aux pires souffrances, comme celles qu’il avait infligées aux autres.
29 Philippe, son ami d’enfance, ramena son corps, mais ensuite il se retira en Égypte, auprès de Ptolémée Philométor, car il craignait le fils d’Antiocos.