Deuxième Livre des Martyrs d'Israël
01 Les habitants de la Ville sainte jouissaient d’une paix totale ; on y observait au mieux les lois, grâce à la piété du grand prêtre Onias et à sa haine du mal.
02 À cette époque, les rois eux-mêmes en vinrent à honorer le Lieu saint et à rehausser la gloire du Temple par les dons les plus magnifiques.
03 Séleucos, roi d’Asie, couvrait lui-même de ses revenus personnels toutes les dépenses exigées par la liturgie des sacrifices.
04 Or, un certain Simon, de la tribu de Bilga, qui avait été nommé administrateur du Temple, se trouva en désaccord avec le grand prêtre, au sujet de la surveillance des marchés de la ville.
05 Comme il ne pouvait l’emporter sur Onias, il alla trouver Apollonios, fils de Thraséas, qui était à cette époque le gouverneur militaire de Cœlé-Syrie et de Phénicie.
06 Il le mit au courant du fait que le trésor de Jérusalem regorgeait de richesses inouïes, au point qu’on ne pouvait en calculer la somme, et qu’elles étaient sans proportion avec le budget requis pour les sacrifices. Il ajouta qu’il était possible de les faire tomber en la possession du roi.
07 Lors d’une entrevue avec le roi, Apollonios l’informa des richesses dont on lui avait dénoncé l’existence. Le roi désigna Héliodore, qui était à la tête de ses affaires. Il l’envoya avec l’ordre de procéder à l’enlèvement des richesses indiquées.
08 Aussitôt, Héliodore fit le voyage, officiellement pour visiter les villes de Cœlé-Syrie et de Phénicie, mais en fait pour exécuter le mandat du roi.
09 Arrivé à Jérusalem, il fut reçu avec bienveillance par le grand prêtre et par la ville. Il communiqua ce dont on l’avait informé et il exposa la raison de sa présence. Il désirait savoir, en effet, si tout cela correspondait bien à la réalité.
10 Le grand prêtre lui expliqua que le trésor contenait les dépôts de veuves et d’orphelins,
11 ainsi qu’une somme appartenant à Hyrcan, fils de Tobie, personnage qui occupait une situation très élevée. Contrairement aux allégations fallacieuses de l’impie Simon, l’ensemble ne comprenait que quatre cents talents d’argent et deux cents talents d’or.
12 D’ailleurs, ajouta-t-il, il était absolument inconcevable de léser ceux qui avaient mis leur confiance dans la sainteté de ce lieu, dans le caractère sacré et inviolable du Temple vénéré dans le monde entier.
13 Mais Héliodore, en raison des ordres qu’il avait reçus du roi, soutenait absolument que ces richesses devaient être confisquées au profit du trésor royal.
14 Au jour fixé par lui, il entra pour dresser l’inventaire de ces richesses. Grande fut l’angoisse qui se répandit alors dans toute la ville.
15 Les prêtres, prosternés devant l’autel en habits sacerdotaux, invoquaient le Ciel, lui qui avait institué la loi sur les dépôts, pour qu’il garde intacts les biens de ceux qui les avaient mis en dépôt.
16 À voir l’aspect du grand prêtre, on ne pouvait manquer d’être profondément blessé, tant son apparence et l’altération de son teint trahissaient l’angoisse de son âme.
17 La frayeur dont cet homme était envahi et le tremblement de son corps manifestaient clairement à ceux qui le regardaient la souffrance intime de son cœur.
18 Devant la profanation qui menaçait le Lieu saint, les gens se précipitaient en foule hors des maisons où ils se trouvaient, pour s’unir dans une supplication commune.
19 Les femmes, enveloppées d’une toile à sac serrée au-dessous de la poitrine, se répandaient dans les rues. Quant aux jeunes filles, habituellement retenues à l’intérieur, les unes couraient vers les portails, d’autres sur les murailles, d’autres encore se penchaient aux fenêtres.
20 Toutes faisaient monter leur imploration, les mains tendues vers le Ciel.
21 C’était pitié de voir la confusion de cette foule prostrée, et l’extrême angoisse dans laquelle attendait le grand prêtre.
22 Tandis qu’on invoquait le Seigneur tout-puissant pour qu’il garde intacts, en toute sécurité, les dépôts de ceux qui les avaient confiés au Temple,
23 Héliodore, lui, exécutait ce qui avait été décidé.
24 Mais à l’endroit précis où il se trouvait déjà, avec ses gardes, près de la salle du trésor, le Souverain des esprits célestes et de toute autorité se manifesta avec un tel éclat que tous ceux qui avaient eu l’audace d’entrer, frappés par la force de Dieu, défaillirent d’épouvante.
25 Un cheval leur apparut, monté par un redoutable cavalier et orné d’un harnachement somptueux. S’élançant avec impétuosité, il projetait les sabots antérieurs vers Héliodore. L’homme qui le chevauchait paraissait avoir une armure d’or.
26 En même temps lui apparurent deux autres jeunes gens, d’une force extraordinaire, éclatants de beauté et magnifiquement vêtus. Se plaçant de part et d’autre d’Héliodore, ils le flagellaient sans relâche, lui portant une grêle de coups.
27 Subitement, Héliodore fut terrassé et environné d’épaisses ténèbres ; on le ramassa pour le mettre sur une civière.
28 Cet homme, qui venait de pénétrer dans la salle du trésor avec une escorte nombreuse et toute sa garde, n’était plus d’aucun secours à lui-même ; on l’emporta, en reconnaissant ouvertement le pouvoir de Dieu.
29 Lui, par l’action de la force divine, gisait sans voix, privé de tout espoir de salut ;
30 les autres bénissaient le Seigneur qui avait grandement glorifié son Lieu saint. Le Temple qui, un instant auparavant, était rempli de frayeur et de trouble, débordait de joie et d’allégresse, grâce à la manifestation du Seigneur tout-puissant.
31 Bien vite, quelques-uns des compagnons d’Héliodore supplièrent Onias d’invoquer le Très-Haut et d’obtenir la grâce de la vie pour cet homme qui gisait là et en était à son tout dernier souffle.
32 Le grand prêtre, dans la crainte que le roi ne soupçonne les Juifs d’avoir commis un mauvais coup contre Héliodore, offrit un sacrifice pour le salut de cet homme.
33 Or, tandis qu’il accomplissait le sacrifice d’expiation, les mêmes jeunes gens, revêtus des mêmes habits, apparurent une seconde fois à Héliodore. Ils se tinrent près de lui et lui dirent : « Rends pleinement grâce à Onias, le grand prêtre, car c’est à cause de lui que le Seigneur t’a accordé la grâce de vivre.
34 Toi qui as été flagellé par le Ciel, proclame devant tous le pouvoir grandiose de Dieu. » Après ces paroles, ils disparurent.
35 Héliodore présenta un sacrifice au Seigneur et adressa de ferventes prières à Celui qui lui avait conservé la vie. Puis il prit congé d’Onias et revint avec son armée auprès du roi.
36 À tous, il rendait témoignage des œuvres du Dieu très grand, œuvres qu’il avait contemplées de ses yeux.
37 Lorsque le roi lui demanda quel genre d’homme il conviendrait d’envoyer une fois encore à Jérusalem, Héliodore répondit :
38 « Si tu as quelque ennemi ou conspirateur contre les affaires publiques, envoie-le là-bas, et il te reviendra roué de coups, si du moins il en réchappe, car il y a vraiment une force divine autour du Lieu saint.
39 En effet, Celui qui a sa demeure dans le ciel veille lui-même sur ce lieu et le protège : ceux qui s’en approchent avec des intentions mauvaises, il les frappe et les fait périr. »
40 C’est ainsi que se déroulèrent les événements concernant Héliodore et la préservation du trésor.