Livre de la Sagesse
01 Pour tes fidèles, au contraire, c’était une lumière magnifique. Les autres, qui entendaient des voix sans voir de formes, les disaient bienheureux d’avoir échappé à ces souffrances,
02 ils les remerciaient de ne pas se venger après tant de mauvais traitements, et les suppliaient de partir.
03 À l’inverse, tu as donné aux tiens une colonne de feu, guide pour un voyage inconnu, soleil bienveillant pour une migration splendide.
04 Les autres méritaient bien d’être privés de lumière et prisonniers des ténèbres, puisqu’ils avaient tenu en captivité tes fils, par qui devait être donnée au monde la lumière incorruptible de la Loi.
05 Ils avaient décidé de tuer les nouveau-nés du peuple saint, dont un seul enfant, exposé à la mort, avait été sauvé ; alors, pour les confondre, tu leur as enlevé un grand nombre d’enfants, et tu les as fait périr, tous à la fois, dans les eaux immenses.
06 Cette nuit avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie.
07 Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis.
08 En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire.
09 Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.
10 À ces chants répondait la clameur dissonante des ennemis une voix plaintive résonnait partout, une lamentation sur leurs enfants morts.
11 Un même châtiment frappait l’esclave et son maître : l’homme du peuple et le roi souffraient pareillement.
12 Tous à la fois, frappés de cet unique fléau, avaient des morts sans nombre, et, pour les ensevelir, les vivants n’y suffisaient pas, puisqu’en un rien de temps leur descendance la plus précieuse avait péri.
13 Devant ce qu’ils prenaient pour des sortilèges, ils étaient restés tout à fait incrédules, mais devant l’extermination des premiers-nés, ils confessèrent que ce peuple était fils de Dieu.
14 Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit de la Pâque était au milieu de son cours rapide ;
15 alors, du haut du ciel, venant de ton trône royal, Seigneur, ta Parole toute-puissante fondit en plein milieu de ce pays de détresse, comme un guerrier impitoyable, portant l’épée tranchante de ton décret inflexible.
16 Elle s’arrêta, et sema partout la mort ; elle touchait au ciel et marchait aussi sur la terre.
17 Alors, brusquement, de fantastiques visions de cauchemar les secouèrent, de soudaines frayeurs les assaillirent,
18 et chacun s’abattait à demi-mort, ici ou là, manifestant la cause de sa mort,
19 car les songes qui les avaient troublés les avaient prévenus, afin que nul ne meure sans savoir la raison d’un tel malheur.
20 L’épreuve de la mort atteignit aussi les justes : au désert, il y eut un grand massacre. Mais la colère divine ne dura pas longtemps ;
21 sans attendre, un homme irréprochable prit leur défense, muni des armes de son sacerdoce : la prière, et l’encens offert pour le pardon. Il affronta la fureur et mit un terme au fléau, montrant qu’il était bien ton serviteur.
22 Il triompha du courroux, non par sa vigueur ni la puissance des armes ; mais, par la parole, il fit céder le Vengeur en faisant mémoire des serments et des alliances de nos pères.
23 Comme déjà les cadavres s’amoncelaient, il s’interposa, repoussa la colère, et lui barra le chemin des vivants.
24 Sur sa longue robe sacerdotale figurait l’univers entier ; le nom glorieux des patriarches était gravé sur quatre rangs de pierres, et ta majesté reposait sur le diadème de sa tête.
25 Voilà ce qui fit reculer l’Exterminateur, voilà ce qui le remplit de crainte. La seule épreuve de la colère avait suffi.