Livre de la Sagesse
01 Qu’ils sont grands, tes jugements, et difficiles à faire comprendre ! Ceux qui n’en sont pas instruits s’égarent.
02 Des gens sans loi, qui prétendaient asservir une nation sainte, se retrouvaient enchaînés par les ténèbres ; prisonniers d’une longue nuit, comme enfermés sous un toit, bannis de la Providence éternelle, ils gisaient.
03 Ils avaient cru pouvoir passer inaperçus, dissimulant leurs fautes sous le voile opaque de l’oubli ! Ils furent dispersés, en proie à d’horribles frayeurs, terrorisés par des hallucinations.
04 Car même le réduit où ils étaient enfermés ne les protégeait pas de la peur : des bruits fracassants retentissaient tout autour, et des spectres sinistres à la face lugubre apparaissaient ;
05 aucun feu, si puissant soit-il, ne parvenait à produire de la lumière, et la lueur flamboyante des étoiles n’osait pas éclairer cette nuit de cauchemar.
06 Quelque chose paraissait seulement qui brûlait de soi-même en répandant la terreur : quand cessait la vision, ils demeuraient dans l’angoisse et redoutaient plus encore ce qu’ils venaient de voir.
07 Les artifices de la magie restaient sans effet : démenti humiliant pour cette prétendue sagesse !
08 Ceux qui se targuaient de savoir repousser les angoisses et les troubles d’une âme malade, étaient à présent malades d’une anxiété risible.
09 Même si aucun phénomène troublant ne les menaçait, le passage des bêtes et le sifflement des serpents suffisaient à les terroriser :
10 ils mouraient de peur, redoutant d’ouvrir les yeux sur les ténèbres qu’ils ne pouvaient fuir.
11 La méchanceté est lâche lorsque son propre témoignage la condamne, toujours elle voit grandir les obstacles quand sa conscience l’oppresse ;
12 car la peur n’est rien d’autre que la défaillance des secours de la raison :
13 moins on compte intérieurement sur cette aide, plus grandit l’ignorance de ce qui cause le tourment.
14 Cette nuit sans pouvoir avait surgi des tréfonds du séjour des morts, lui aussi sans pouvoir, et ils étaient plongés dans ce même sommeil,
15 à la fois saisis d’hallucinations monstrueuses et paralysés par la défaillance de leur âme : une peur soudaine, inattendue, avait fondu sur eux.
16 Ainsi celui qui tombait là, quel qu’il fût, était retenu captif d’une prison sans grilles.
17 Laboureur ou berger, ou manœuvre à la peine en un lieu désert, chacun, à l’improviste, était frappé d’un sort inéluctable ;
18 car une même chaîne de ténèbres les tenait tous liés. Et le vent qui sifflait, et le chant mélodieux des oiseaux dans l’épaisse ramure, le bruit rythmé des eaux puissantes,
19 le grand fracas d’un éboulis de pierre, la course invisible d’animaux bondissants, les cris, le rugissement des bêtes féroces, et l’écho répercuté au creux des montagnes, tout les paralysait d’épouvante.
20 Car le monde entier resplendissait de lumière et s’adonnait librement à ses activités ;
21 mais sur eux seuls s’étendait une nuit pesante, image des ténèbres qui les recevraient bientôt ; et ils se sentaient eux-mêmes plus pesants que les ténèbres.